vendredi 8 mai 2020

Article coup de coeur

Comment occupe-t-on son temps les jours de pluie ?

Ces jours un peu gris, un peu brouillon qui appellent à la solitude, aux jeux de société avec les enfants, aux pensées les plus lointaines ; ces jours durant lesquels on voudrait dissimuler nos vies pour ne renaître qu'avec le soleil.
Peut-être pourrait-on réfléchir à ce qui, au final, nous fait aimer ces journées singulières ? Parce qu'on se rend bien compte que sans elles, la Terre ne pourrait s'abreuver et rendre les herbes folles, comestibles, soigneuses, enchanterresses, solidaires exister. Des herbes solidaires dites-vous ? Oui, celles qui nous soignent et pigmentent nos plats ; celles des jardins qui se laissent coiffer, chouchouter, faire de nous des jardinier.ères expert.es ou pas, ou celles qui poussent sur un bord de trottoir et qui nous apportent une certaine admiration solidaire justement, parce qu'il en faut de la volonté pour pousser sur un bout de trottoir, non ? Une mauvaise herbe ? Non, une herbe qui n'a rien demander à personne mais qui est là elle aussi.
Sans la pluie, sans ces moments où le temps ralenti, où l'invisible existe pourtant, pas d'infiltration, pas de drainage, pas remontées capillaires, pas d'absorption et pas d'évaporation. Donc pas de plantes, pas de possibilité d'entrevoir la diversité des plantes, leur complémentarité. C'est scientifique. On peut faire confiance à la science. C'est un cycle long et nécessaire pour que nous puissions ouvrir de nouveau les fenêtres sur un monde que nous ne connaissons pas encore mais qui pourrait, par notre volonté, être beau.

De ces temps de pluie, apprenons à balayer nos amertumes d'un monde qui n'existe plus. C'est dur mais nécessaire. Vital. Ces temps de pluie, ces temps de confinement nous disent « Réinventons-nous » !

Nous allons vivre désormais dans l'incertitude : qu'elle soit désormais l'une des composantes de nos quotidiens, une composante conscientisée qui permet d'ouvrir bien des fenêtres ! L'incertitude permet d'évacuer tous les dogmes et d'être bien plus réalistes. Elle permet de mettre à égalité toutes les forces vives d'une association, d'un territoire. Elle permet de ne plus mettre de côté des manières de vivre, de penser, d'imaginer et d'inventer des quotidiens. Elle s'enrichit de toutes les propositions. Elle permet de prendre le temps de l'étude et d'imaginer ce qui peut être réalisable. L'incertitude devenant la norme, devenant une composante essentielle, voir existentielle de nos vies, de nouveaux soufflent peuvent naître et les portes s'ouvrent. On peut sortir de chez nous, de nos zones de confort. N'y aurait-il pas un peu de soleil derrière ?
Repensons l'école, repensons les voies-voix de l'enseignement. Repensons les cours de recréation, les espaces de restauration, de distributions solidaires. Réutilisons ce que nous savons faire mais autrement, plus lentement. Recyclons ailleurs et mieux. Repensons jusqu'à la chaleur humaine : on ne peut plus s'embrasser ? Accentuons nos regards, sourions plus, parlons-nous plus, marchons ensemble. Soyons dans l'échange constant et respectons les silences de chacun.e. Redonnons leur place aux valeurs qui sont déjà les nôtres dans toute la société : la solidarité citoyenne, la mixité sociale, l'émancipation, le vivre ensemble et bien sûr la laïcité.

Se réinventer, c'est redéfinir également des nouveaux espaces : le sien, celui des autres, celui des associations, celui des vacances, celui des écoles, celui des rencontres sportives, celui des lieux culturels et artistisques, des lieux d'échanges. Quelle distance instaurer ? Combien de personnes accepter au même moment dans un même lieu. Comment protéger les autres du virus que je porte et véhicule peut-être ? Chaque territoire peut répondre à ces questions et proposer ses propes réponses. Parlons-nous. Donnons-nous des idées. Tissons des liens plus profonds entre associations.

Les associations sont des territoires singuliers : elles aident, elles acceuillent, elles guident, elles impulsent, elles regardent et accompagnent celles et ceux que l'on nomme les mauvaises herbes. Les associations sont en mouvement perpétuel. Elles inventent les réponses de demain car elles sont au cœur de la vie d'aujourd'hui, au cœur de la cité. Elles sont l'éducation populaire, la construction quotidienne de temps poétiques et humains. C'est notre force. C'est votre force. Réinventons ensemble la formation, l'accès à la culture pour tous.tes, l'accès aux vacances pour tous.tes et aux loisirs, à la pratique sportive. Réfléchissons ensemble aux faisabilités.

« Attends-toi à l'inattendu » est la devise d'Edgar Morin. L'humanisme des associations, qui ont intégré l'inattentu et l'incertitude des lendemains dans l'essence même de leur existence, est un modèle. Observons-nous. Utilisons ce que nous savons faire et soyons force de propositions partout, sur chaque territoire.

La pluie peut être salutaire : elle permet de (re)garder l'indispensable non pas comme mot fourre-tout et sans substance, mais comme une impérieuse nécessité de survie solidaire.

Périne Buffaz
Administratrice de la Ligue de l'enseignement de l'Isère

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